Depuis qu’Oscar sait qu’il va devenir Papa, il ne touche plus terre! Il s’imagine déjà son fils à ses côtés, car c’est un garçon bien sûr. Lui-même en lilliputien. Il est déjà allé ressortir des vieilles malles du garage ses jouets d’antan, les quilles sculptées par le Papé, le GI Joe qu’il avait baptisé XRay et qui lui tenait compagnie les soirs où le vent sifflait un peu fort sur les persiennes
Il s’appellera Victor.
Enfant, il a toujours rêvé d’un ami nommé Victor. Il l’imaginait fort, sans peur. Avec lui, il aurait été capable de tout…. ils seraient devenus pilotes de chasse, ils auraient arpenté le tarmac en uniforme comme des héros…Ils seraient partis conquérir l’Amérique c’est sûr, seraient devenus de vrais yankees, auraient vécu à New York ou Washington. Ensemble, ils auraient parcouru le monde, vu les kangourous en Australie, les danses envoutantes des zoulous au fin fond de l’Afrique.
La simple évocation de certains mots le transporte immédiatement ailleurs. En matière de rêve, il ne connait pas de rival, les étals d’ananas, mangues ou caramboles au marché suffisent à l’embarquer vers des destinations lointaines , qu’il imagine à partir des jaquettes ou des chromos de ses vieux numéros du National Geographic…. mais bon, la vie a fait de lui un fils unique et il n’a jamais vraiment quitté sa terre natale, vivant souvent comme une servitude de reprendre l’exploitation familiale, de s’occuper de ses parents vieillissants au détriment de la vie aventureuse qu’il aurait préférée.
Pourtant, il aime ses Pyrénées, il se voit déjà partageant avec son fils sa passion des montagnes, de ses animaux. Il l’emmènera voir les hérons pécher dans l’étang, lui apprendra à monter sur sa jument, une robuste pottock à la robe isabelle.
Dans la cuisine, il aperçoit sa compagne brodant de rouge un napperon pour colorer son intérieur spartiate d’ex-célibataire endurci, rajustant ses binocles sur son nez retroussé. Bientôt elle l’appellera pour dîner. Du fait-tout qu’il a toujours connu, s’échappe le fumet d’une savoureuse axoa comme il les aime.
Il ferait bien de se dépêcher de tout remettre en place, sinon elle va encore se moquer de son côté basque nostalgique, elle qui rêve plutôt d un destin européen pour son enfant….Rien d’incompatible, et puis il fera comme il voudra ce petit !
Finalement, ce cadeau que la vie lui fait vaut à lui seul tous les voyages !