Déception

Evelyne nous régale de ce que lui inspire notre dernier tirage ...

Lorsque je suis sortie du métro Châtelet, je ne savais pas ce à quoi j’allais être confrontée. J’arrivais à Paris, jubilant de me trouver dans cette ville de lumière où tout peut arriver.
Durant quelques jours, je vivotais en déambulant dans la capitale ; j’avais été hébergée en tant que woffer chez une fille rencontrée au centre aquatique qui m’avait tout de suite repérée comme une proie facile.
J’avais alors une dégaine d’enfer, à la limite du ridicule avec mon habenaire en pur plastic plantée dans ma chevelure hirsute et mes vêtements chamarrés ornés de galons décousus et de liserés pendouillant sur mes collants troués.
Et oui ! Grandeur et décadence !
Il fallait que je biaise pour échapper à cette hôtesse encombrante et autoritaire qui décidait tout par ukases qui ne pouvaient être contredits ou négociés. Très croyante, elle m’imposait, la messe et le jeûne le jour du quadragésime ; je ne pouvais subir 40 jours de privations et j’imaginais les nuisances à encaisser lors de ses prières et autres pratiques religieuses.
J’ai alors trouvé un contrat qui me semblait juteux dans un kabak situé dans un quartier festif ; je devais, en un xat, déclamer un fabliau qui fasse rire. J’étais soutenue par un air de toccata lancinant et plaintif.
Trop occupée à m’exhiber sur cette scène un peu sordide, je ne me rendais pas compte du ridicule de la situation.
Surprenamment, moi, si fière, si raffinée, je me laissais acheter pour quelques pièces de monnaie jetées par les spectateurs dans une zuchette creusée pour la circonstance. Sébile originale, certes, que mon instinct, émoussé par quelques mojitos offerts par le patron de l’établissement, avait prise pour une corne de future abondance.
Des dizaines de yachmac ne suffiraient pas à cacher ma honte et mon désarroi !
Etre tombée si bas m’était insupportable ; je me serais donnée des gifles pour me réveiller de ce cauchemar.
Je décidais alors de prendre ma destinée en main et de retrouver ma dignité.
Je repris le métro dans l’autre sens, chargée de cette expérience malheureuse avec en tête la maxime : « Tout ce qui ne tue pas, rend plus fort ».